La nuit vient de tomber et tu décides de rejoindre des copines dans un bar de la ville. Loin de toi, l'idée d'aller picoler au comptoir. Parce que t'as jamais trop apprécié le goût de l'alcool sur ta langue. Et pourtant, tu le sais que ça ne te ferait pas de mal, parfois. Trois verres suffisent amplement pour faire de toi un pantin. Jean serré, taille haute. Un top qui s'arrête au-dessus de ton nombril. Laissant apparaître ce joli bijou que tu t'es fait mettre il y a – encore – quelques jours en arrière. Ton père n'aime pas trop tout ce qui est des piercings et tatouages. S'il le voit, t'es certaine qu'il ferait une crise d'épilepsie au beau milieu du salon. Cheveux parfaitement ondulés, relever par un joli chignon mal fait. Mais très jolie. Deux mèches qui retombent sur ton visage. Et te voilà enfin prête. Tu prends un taxi, parce que t'es pas apte à prendre le vélo, ce soir. Et encore moins la voiture de ton père. Une fois sur place, tu cherches tes amies. Pia et Vittoria. Tu cherches. Sans trouver. Elles ne sont – sans doute – pas encore arrivées. Alors tu t'attardes au comptoir et tu commandes un diabolo à la fraise. Tes airs de petite fille qui revienne. Ton regard qui se pose automatiquement sur l'homme qui se trouve derrière le bar. Tu manques un battement. « Lé..Léo. » Tu souffles presque. Ton rythme cardiaque qui s'acharne. Qui s'accélère un peu plus. « J'suis surprise de te voir ici. » Tu avoues, clairement. Tu ne te doutais pas le revoir un jour. Toi qui es partie si rapidement, à l'époque. Cinq ans. C'est le temps qui s'est écouler depuis vos adieux. Ça te fait quelque chose, vraiment. Tes mains deviennent moites. Et ton regard tente de dévier le siens. Surement, parce que t'as honte, un peu. Parce qu'il ravive beaucoup trop de souvenirs, aussi.

@Leo Castello

Les services du soir, c'est ce que je préfères, sans doute parce que c'est le soir que je vois le plus de jolies filles et aussi parce que les mecs laissent de gros pourboires dans l'espoir d'impressionner leur cible du moment. Bref, t'as accepté de venir bosser ce soir bien entendu, il est bien rare que j'refuse du gratin de toute façon même si ce bar ne me correspond pas des masses, je préfère les ambiances tranquilles, j'aime profiter de la vie comme tout le monde mais ce genre d'endroit n'est pas vraiment à l'image de ce que j'apprécie. J'ai déjà enchaîner deux bonnes heures de taf, mes collègues courent partout et je suis bien content d'être au bar ce soir plutôt qu'en salle. « Lé..Léo. » Les yeux qui se posent sur ce visage et je sens tout le sang quitter mon visage. « J'suis surprise de te voir ici. » Ce visage... J'me rends compte qu'elle est mal à l'aise et à dire vrai ça me regonfle à bloc, encore heureux qu'elle est mal à l'aise, je la regarde plus incisif mais toutes les saloperies qui me viennent alors restent bloquer dans ma gorge, non je ne lui ferais pas le plaisir de voir qu'après cinq ans je la hais toujours.
Vraiment ? C'est vrai que j'devais aller profiter de la vie... ah mais non, quel imbécile c'était toi ça. Un sourire radieux, hargneux en fait, merde tout l'effet inverse de c'que je voulais.
Qu'est ce que je te sers ? Je serre les dents, je dois garder mon sang froid, oublier l'envie de tout envoyer valdinguer et de me barrer, c'est le taf ici garder ça en tête c'est mon objectif. Je retiens tant bien que mal tout le venin sur ma langue, ce qui fait le plus mal c'est qu'elle est toujours la même, j'ai l'impression de me retrouver au lycée, dans ma peau d'adolescent, celui qui ne s'est pas battu et ça me rend dingue, l'adulte en moi aurait quelques trucs bien pensé à dire de cette époque mais ça n'en vaut pas la peine, elle est passée à autre chose rien qu'à voir comme elle est fagotée, et le fait même qu'elle se trouve dans ce bar ce soir. Bien loin de celle que j'ai connu.

La dernière personne au monde que tu pensais voir un jour se trouve juste en face de toi. Dans ce bar. Derrière le comptoir. Si tu avais su ... Tu ne serais sans doute pas venu ici. Tu aurais évité cette confrontation qui te rappelle certains mauvais souvenirs. Tu es partie. Trop vite. Trop facilement, aussi. Il ne t’avait pas vraiment retenu non plus, Léo. Alors, dois-tu t’en vouloir autant ? Tu ne sais plus trop. Tu comprends très rapidement qu’il a la rancune tenace. Et tu lèves les yeux au ciel lorsqu’il balance une vanne. Ou plutôt, un pic. Tu le prends en pleine face. Et pour le coup, tu ne t’attendais pas du tout à ce genre de réaction. Tu soupires. Tes ongles qui claquent contre le marbre du comptoir. Et il finit par te demander ce que tu veux boire. Tu souffles un coup. « J’comptais prendre un diabolo, mais finalement, je vais prendre un petit remontant. J’en ai bien besoin. Un whisky. » C’est fort. C’est puissant. Tout ce dont tu as besoin actuellement. Tu n’es plus cette fille-là. Celle dont il a fini par tomber amoureux. Pour qui, il avait changé radicalement. Tu l’aimais, Léo. Trop. Et puis doucement. Au fil du temps. Les études ont été ton échappatoire. Ça t’as permit de t’évader. Parce que la raison première de cette rupture n’est pas tellement celle qu’il croit. Parce que t’es douée pour mentir et garder la vérité au plus profond de toi. Tu voulais t’amuser, c’est vrai. C’est un fait. Mais tu avais surtout peur. Parce que malgré ses trois années à ses côtés, tu appréhendais. De te donner à lui. T’avais peur. Et encore aujourd’hui, tu as peur. « Léo.. Je.. » Tu commences à dire, dans un souffle presque coupé. Tu ne sais pas si tu dois t’excuser, mais tu finis par le faire. « Je suis désolé.. » Quatre ans après, il est toujours furieux. Tu ne comprends pas vraiment. Tu pensais que ça se serait tasser, depuis.

« J’comptais prendre un diabolo, mais finalement je vais prendre un petit remontant. J’en ai bien besoin. Un whisky. » Clairement j’aurais bien envie de rire… Un whisky, elle a l’attitude de la nana qui  n’a pas l’habitude de boire, du moins autrement que comme une midinette. Bref, je m’exécute c’st mon boulot et quelque part plus vite elle sera servie plus vite elle partira.J’aurais pu juste lui répondre ça, la servir et basta, mais mon ego a pris le dessus encore une fois, je suis quasiment incapable aujourd’hui de chasser le naturel. Elle a eu un bon effet sur moi à une époque, elle m’a sorti de mes habitudes de petits con macho et imbu de lui-même, mais son départ a eu le mérite de me ramener à ce que j’ai toujours été. Je pose finalement le verre sur le bar devant elle, relevant les yeux vers ce visage que j’ai presque l’impression d’avoir un peu transformé dans mon esprit avec les années. « Léo.. Je.. » Non j’ai pas encore d’entendre ce « Je suis désolé.. » Je soupire, c’est plus fort que moi parce que je suis un idiot, parce que j’aurais dû fermer ma bouche, cinq années que tout ça est terminé, ça ne vaut pas le coup…
Je préfère que tu ne t’excuses pas, c’est pire en fait. Je hausse les épaules, balayant la salle du regard pendant quelques secondes.
J’aurais pas du te parler comme ça, on est plus les gamins qu’on était à l’époque. La vérité dans sa plus grande simplicité, je peux facilement en vouloir à l’adolescente qui a brisé mon cœur de petit con mais certainement à cette fille que je ne connais pas.

Tu essaies de garder bonne figure face à lui, mais tu as beaucoup de mal. T'as souvent tendance à trop parler lorsque tu te retrouves dans une situation que tu ne contrôles pas, mais là, c'est différent. Tu n'arrives même pas à poser tes yeux sur lui. Parce que tu sens toute cette colère qui émane de son corps. Et ses yeux qui te fixent sans que tu n'arrives vraiment à cerner ce qu'il pense. Mais ses remarques te font de suite redescendre sur terre. Alors tu commandes quelque chose de fort, parce que tu sens que tu en as besoin. Et puis, tu tentes tout de même une première approche en t'excusant. C'est peine perdue, mais au moins, tu te sentiras beaucoup plus sereine à l'intérieur de toi. Tu poses enfin tes prunelles sur lui, lorsqu'il te dit ne pas vouloir entendre tes excuses. Ce que tu comprends totalement. Tu roules des yeux. Ton verre devant toi. Et que tu bois d'une traite. Sans te soucier des conséquences. Il ne t'en faudrait guère plus pour que tu deviennes ivre. Contre toute attente, il s'excuse. Du moins, il n'y met pas forcément les formes, mais ça veut dire ce que ça veut dire. Tu relèves les yeux automatiquement sur lui. Sur l'homme que tu as le plus aimé de toute ta vie. (sans compter Alvaro ou Cesare.) « On a changé depuis. Et crois-moi que si j'pouvais faire marche-arrière, j'aurais sans doute fait autrement. » Tu avoues. L'alcool t'aide à parler. À dire ce que tu penses. Tu ne regrettes pas ton choix, parce que tu es bien comme tu es aujourd'hui. Tu regrettes seulement la manière dont ça s'est dérouler. « J'espère que t'arriveras à mettre ta rancœur de côté, un jour.. » Tu balances, doucement. Haussant les épaules. Tu ne sais pas trop quoi lui dire, en réalité. Et t'aimerais qu'il t'aide un peu. Clairement.

« On a changé depuis. Et crois-moi que si j'pouvais faire marche-arrière, j'aurais sans doute fait autrement. » J'suis bien obligé d'avouer que le fait de me retrouver face à toute cette rancœur que j'ai laissé en sommeil pendant ces cinq dernières années n'a rien d'agréable, et aujourd'hui j'ai le sentiment que celle-ci aurait du s'éteindre il y a longtemps. J'aurais du tirer un trait, pardonner. Ça ne fait malheureusement pas parti de mon vocabulaire. Mais personne ne mérite de se faire prendre le crâne sans raison ou du moins pour des raisons obscures du passé et je ravale gentiment mon animosité. « J'espère que t'arriveras à mettre ta rancœur de côté, un jour.. » Je l’espérais aussi.
Je te crois... et je pense qu'il est temps que je passe à autre chose... j'ai pas vraiment changé de ce côté là, j'ai la rancune tenace... Un léger sourire, timide parce qu'au final si je n'ai pas beaucoup changé aujourd'hui je ne sais pas qui elle est, je connaissais la Milena du lycée, cette petite intello un peu coincée, fragile à ses heures, mais pas la femme qu'elle est devenue.
Je pensais que tu avais quitté la ville depuis le temps... je suppose que tu as pu réaliser tes projets d'adolescente. Tu as toujours été plutôt déterminée... Rien de méchant la dedans bien au contraire, au fond toute cette histoire ne serait pas veine si elle avait atteins ces buts, et c'était quelque part un peu moins tragique dans mon esprit, de ne pas avoir été largué pour un avenir raté...

Toi-même, tu sais ce que s'est que d'avoir la rancune tenace. Parce que c'est également ton cas. Un trait de caractère que vous aviez en commun. Tu le comprends, le brun, qu'il soit encore en colère même après tout ce temps. Tu lui en aurait – sans doute – voulu autant de temps, toi aussi. Mais tu as grandi. Tu as mûri, aussi. Tu vois les choses de la vie beaucoup plus différemment. Et tu regrettes, parfois, d'avoir agi de cette façon avec lui. Mais tu ne pouvais pas rester avec lui. Par principe. Pour tes valeurs. Tu ne lui diras jamais. C'est bien trop gênant. Enfin… Avec un verre ou deux en plus, tu risques d'avoir la langue bien pendue. « Oui, j'ai cru comprendre. » Que tu avoues, dans un léger rire timide. Tu ne lui en veux pas d'être comme ça. Il l'a toujours été, Leo. Tu es un peu plus à l'aise, à présent. Il a l'air d'être moins sur ses gardes et un peu plus entreprenant. Il discute un peu et t'es soulagée. Vraiment. Parce que tu n'aurais pas supporter de rester des heures de plus sous son nez et à subir ses sarcasmes. Tu l'écoutes, attentivement. Tes yeux qui viennent s'installer dans les siens. Un rictus qui se perd aux coins de tes lèvres. Parce qu'il pense que tu as réussi tout ce que tu as entrepris depuis ton départ. Ca ne s'est pas du tout passer comme tu l'avais prévue, c'est certain. « Plus ou moins. » Tu commences par dire. Tu baisses les yeux sur le comptoir, avant de les relever. Pour lui faire face. « En fait, je .. j'suis plus trop sur de vouloirs faire médecine. » Tu lâches, sans pression. Un peu honteuse, parce qu'il risque de ne pas comprendre. Il sait, leo, à quel point ça te tenait à cœur de réussir dans ce domaine. « C'est plus compliqué que j'ne le pensais. » Tu termines simplement, tes doigts qui claquent doucement contre ton verre. Tu le pousses vers lui, d'un doigt. « J'peux en avoir un deuxième, s'il te plaît ? » Parce que tu n'en as pas assez. T'as besoin de parler. Et t'es pas tombé sur la meilleure personne. Tant pis. Tu te laisses aller, tant qu'il est compréhensif. Tant qu'il te parle et qu'il oublie le passé.